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Le Maroc : l’art de la gouvernance au féminin

Le pouvoir est une architecture. Dans un monde où ses fondations semblent sculptées dans le marbre de la tradition et de l’héritage masculin, une nouvelle école de pensée est à l’œuvre dans le cœur du Maroc. Elle ne s’exprime pas par de grands discours ou des postures martialles, mais par la subtilité, la détermination et une ambition d’un genre différent : l’élévation stratégique de la femme aux plus hautes sphères de la gouvernance. Il s’agit d’une révolution silencieuse, une nouvelle forme de capital politique et social dont les codes restent à décrypter pour beaucoup. Loin des clichés de la politique d’antan, le Royaume est en train d’écrire une nouvelle partition, un pari audacieux sur son capital humain féminin. Ce n’est pas un simple effort de réforme, mais un investissement calculé pour redéfinir l’influence non par la force brute, mais par un mélange harmonieux de perspicacité, d’empathie et de pragmatisme économique. Voici l’art de la gouvernance au féminin

Le prophète a dit « L’homme et la femme sont des frères siamois devant les droits et les obligations » 

Le feu Roi Hassan II a rappelé au journaliste que l’islam et le Maroc a toujours donné les droits de la femme. La France a commencé a donner le droit de la femme qu’en 36 et 48.

Ce clip YouTube présente des propos attribués au Roi Hassan II du Maroc, qui aborde la question des droits des femmes dans le contexte marocain et islamique. L’extrait souligne que, selon les enseignements du Prophète, hommes et femmes sont égaux en droits et obligations. Il est affirmé que les femmes marocaines ont toujours eu le droit d’exercer une profession et de gérer leurs propres finances, ce qui est comparé favorablement à l’histoire des droits des femmes en Occident. Le roi insiste également sur le fait qu’une femme n’est pas obligée de déclarer son argent à son mari et qu’elle a le choix de son administrateur financier, indépendamment de l’accord de son époux.

Les architectes du changement : un héritage d’influence

L’histoire de la participation féminine en politique au Maroc n’est pas un récit de droits accordés, mais une saga de volontés forgées. Ce processus a été marqué par des étapes clés, la première étant souvent occultée par la mémoire collective : l’élection en 1993 de Badia Skalli et Latifa Bennani Smires, les deux premières femmes à siéger à la Chambre des représentants.

À l’instar de toute entreprise de transformation profonde, le progrès s’est heurté à des résistances, y compris au sein des partis politiques eux-mêmes. Le cas de Badia Skalli, membre de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), en est une illustration éloquente. En 1993, alors qu’elle était pressentie comme candidate, elle a dû faire face à une réticence de son propre parti, qui ne souhaitait présenter aucune autre femme sur ses listes. Son combat ne fut pas uniquement contre l’opposition politique, mais contre l’inertie de sa propre formation. Elle protesta et menaça de se retirer si d’autres femmes n’étaient pas ajoutées. Cette pression stratégique de l’intérieur a payé, le parti cédant finalement. Ce récit, loin de l’image d’un droit simplement offert, révèle un double moteur de progrès : la volonté institutionnelle de la monarchie, qui a soutenu le développement de la présence féminine , couplée à la détermination inébranlable des pionnières qui ont forcé le changement sur le terrain. C’est un processus complexe, dynamique, qui démontre que la véritable émancipation politique se gagne et se cultive, bien au-delà des décrets législatifs.

Le code et la méritocratie : le paradoxe des quotas

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La progression de la parité a été spectaculaire, propulsée notamment par la mise en place d’un système de quotas. La législation marocaine a réservé 90 sièges dans les listes nationales aux femmes et aux jeunes, dont 60 spécifiquement dédiés aux candidates féminines. Cette mesure a eu un effet immédiat et visible : la proportion de femmes au Parlement a fait un bond, passant de 5,78 % en 2009 à 24,3 % en 2021. À première vue, c’est une réussite indéniable, un modèle de réforme rapide et efficace.

Toutefois, une lecture plus attentive des mécanismes révèle une réalité plus complexe. Si les quotas ont brillamment réussi à franchir la barrière de l’entrée, ils peuvent également se transformer en un « plafond de verre ». Le système de liste nationale, bien que moteur, ne permet aux femmes d’occuper ce siège qu’une seule fois. Pour poursuivre leur carrière politique, elles sont contraintes de se présenter dans les circonscriptions locales, où les partis ont souvent une présence masculine déjà bien établie. Sans le soutien de l’appareil partisan et sans un réseau local construit sur des décennies, leur capacité à rivaliser est considérablement amoindrie. Le résultat de cette dynamique est frappant : une étude a montré que 91 % des femmes députées de la législature 2011-2016 n’ont pas réussi à renouveler leur mandat. Ce taux de roulement élevé entraîne une perte considérable de connaissances institutionnelles et freine l’accumulation d’expérience politique au sein des femmes. La mesure, bien que positive, n’est donc pas une solution finale, mais une transition, un levier temporaire pour combler l’écart et précipiter le changement de mentalités. Le véritable défi réside désormais dans la capacité des femmes à consolider leur légitimité et à se forger une base de pouvoir en dehors de ces listes réservées.

AnnéeNombre total de membresFemmesPourcentage de femmes
20213959524,1 %
20163958120,5 %
20113876917,8 %
20093253410,46 %
199732520,6 %
196327000,0 %
Données basées sur les sources. Les données de 1997 et 1963 sont fournies pour un contexte historique plus large.

La djellaba, armure et déclaration : le style comme pouvoir

Dans l’univers feutré de la politique, où chaque détail compte, le vêtement n’est jamais une question anodine. Au Maroc, la djellaba, bien plus qu’une tenue traditionnelle, est un véritable emblème de pouvoir, de force et de fierté. Elle incarne l’émancipation en permettant aux femmes d’affirmer leur identité tout en respectant un héritage culturel séculaire. La djellaba est ainsi devenue un symbole d’élégance et de résistance, portée par des figures influentes qui l’ont réinventée avec des coupes modernes et des finitions sophistiquées.

Cependant, ce code vestimentaire, bien que protecteur, peut aussi devenir un point de friction. La sphère publique scrute et juge, transformant le corps de la femme politique en un territoire contesté. L’exemple de la députée Amina Maelainine est à cet égard révélateur. Des photos d’elle à Paris, en tenue décontractée et sans foulard, ont déclenché une intense polémique et de vives critiques de la part de ses adversaires politiques. Ils l’ont accusée de pratiquer un « double discours », affichant une image conservatrice à l’intérieur du pays pour s’attirer la sympathie des électeurs, tout en adoptant un style de vie différent à l’étranger. Cette affaire, largement relayée, illustre la pression constante qui pèse sur les femmes politiques. Leur style personnel n’est jamais vraiment privé ; il est un terrain de jeu politique et un miroir où se reflètent les tensions entre tradition et modernité. Chaque choix de vêtement est une négociation silencieuse, une déclaration qui est interprétée, décryptée et jugée par l’ensemble de la société.

Le dividende de l’égalité : la parité, un investissement stratégique

Pour les observateurs avisés de la politique et des affaires, la participation féminine au Maroc est avant tout un choix pragmatique, un levier stratégique de transformation économique. Le décalage entre le potentiel féminin et sa concrétisation sur le marché du travail est frappant. Si les femmes représentent 50,2 % de la population, elles ne constituent que 23 % de la main-d’œuvre active. Cette disparité n’est pas seulement un problème social ; c’est un déficit de compétences et de main-d’œuvre qui entrave le développement économique et humain du pays.

Le paradoxe est d’autant plus grand que les femmes marocaines surperforment académiquement. En 2021, elles constituaient 55 % des diplômés du secondaire et 60 % des diplômés en gestion. Cette incongruité entre l’excellence éducative et la faible participation au marché de l’emploi représentait une inefficacité économique majeure. La réponse du Royaume a été audacieuse : une réforme législative, soutenue par la Banque mondiale, a imposé des quotas obligatoires pour les conseils d’administration des entreprises, avec un objectif de 30 % de femmes d’ici 2024 et de 40 % d’ici 2027. Ce n’est pas un simple geste de bonne volonté, mais un signal clair que l’inclusion féminine est désormais une obligation stratégique pour stimuler la performance des entreprises et la croissance.

En parallèle, le Maroc a mis en place une approche encore plus sophistiquée : la « budgétisation sensible au genre ». Depuis 2002, le gouvernement intègre la dimension de genre dans l’élaboration de ses budgets sectoriels. Cette initiative révèle une compréhension intime que l’égalité des sexes n’est pas une dépense, mais un investissement avec un retour sur investissement mesurable. L’État réoriente ses ressources pour garantir que les politiques publiques répondent aux besoins spécifiques des hommes et des femmes, maximisant ainsi l’impact de chaque dirham dépensé sur le capital humain national.

Les pionnières du XXIe siècle : le leadership comme mission

Indicateur (2020)Valeur
Population féminine50,2 %
Taux de participation féminine à la main-d’œuvre active23 %
Pourcentage de femmes aux postes de direction dans les entreprises13 %
Pourcentage de diplômées du secondaire55 %
Pourcentage de diplômées en gestion60 %
Données basées sur les sources. Ce tableau met en évidence le décalage entre le haut niveau d’éducation des femmes et leur faible représentation dans la vie économique active et les postes de pouvoir.

Au-delà des statistiques et des lois, l’essence de cette transformation réside dans le parcours de figures exemplaires. Le Dr. Nouzha Chekrouni est de cet acabit. Son profil est un modèle de ce que la gouvernance au féminin peut offrir : un mélange de savoir académique (titulaire d’un doctorat et Senior Fellow à Harvard) et de réalisations politiques et diplomatiques de premier plan. Elle a été la première femme à occuper un poste de Ministre au Maroc, et a servi en tant qu’Ambassadrice du Royaume auprès du Canada.

Son approche du leadership dépasse les cadres traditionnels. Elle considère que la politique n’est pas une guerre, mais une mission au service du bien-être collectif. Comme elle l’a souligné, « La société n’est pas notre ennemi ». Sa vision de devenir Ambassadrice est née d’une rencontre fortuite et a été nourrie par une ambition stratégique et un travail acharné. Son cheminement illustre la puissance de la vocation. C’est un voyage où le succès n’est pas un but en soi, mais la conséquence d’un engagement constant envers une mission définie. Sa philosophie de vie, qu’elle a résumée dans une formule d’une rare élégance, sert de boussole pour une nouvelle génération : « Quand quelque chose est crucial, ne soyez jamais flexible, afin de ne jamais perdre votre essence ». C’est une maxime qui encapsule la fusion de l’intégrité personnelle, de l’ambition stratégique et du succès politique.

Touria Azzaoui, le leadership du terrain à l’international

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Parmi les figures marquantes de cette nouvelle ère, Touria Azzaoui, députée du Rassemblement National des Indépendants (RNI), incarne un modèle de leadership à la fois ancré dans le social et projeté sur la scène internationale. En tant que membre du groupe de travail thématique sur l’égalité et la parité, elle a activement représenté la délégation parlementaire du Maroc lors de la 69e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies à New York. Lors de ces sessions, elle a souligné l’expérience du Royaume dans la promotion de la participation des femmes aux postes de décision sous le leadership du Roi Mohammed VI. Elle a notamment mis en avant la réforme du Code de la famille et l’allocation de 90 sièges pour les femmes au Parlement, illustrant la volonté politique du pays de renforcer leur représentation dans l’institution législative. En parallèle, elle a fait preuve d’un engagement profond dans le domaine social, en proposant un projet de loi visant à légiférer et réglementer la profession de psychologue clinicien au Maroc, une initiative qui vise à réduire la souffrance psychologique et à combler un vide juridique dans ce secteur. Ces deux axes de son travail, international et social, font d’elle une figure qui symbolise la capacité de la femme politique marocaine à opérer avec pertinence à la fois sur le terrain national et sur la scène mondiale.

Conclusion – l’aspiration d’une nation

Le leadership féminin au Maroc ne se résume pas à une simple statistique de représentation. C’est un projet de civilisation, une masterclass de stratégie d’État. Il a su marier l’héritage historique et la vision institutionnelle pour créer un cadre où l’ingéniosité législative et la réclamation culturelle servent le pragmatisme économique. Il ne s’agit pas d’un progrès linéaire, mais d’un processus dynamique, parfois chaotique, où chaque gain est le fruit d’une volonté et chaque recul, un rappel de la vigilance nécessaire.

Les architectes de cette nouvelle gouvernance sont en train de bâtir un héritage qui transcende les lois. Elles créent une nation où le véritable pouvoir réside dans le partenariat entre égaux, dans la complémentarité des forces. C’est une évolution dont on peut suivre les chiffres, mais dont les codes les plus profonds ne peuvent être compris que de l’intérieur. L’égalité n’est pas qu’une quête sociale ; c’est un investissement qui donne à une nation les moyens de sa propre renaissance. C’est le luxe ultime d’une gouvernance éclairée.

FAQ

1. Les quotas sont-ils une atteinte à la méritocratie?

Le système des quotas est souvent perçu comme une dérogation au principe de la méritocratie. Le système de quotas est une « mesure positive temporaire » conçue pour compenser des siècles de discrimination systémique qui ont empêché l’entrée des femmes en politique. Son objectif ultime est de rendre les quotas obsolètes en accélérant le changement des mentalités et en créant les conditions d’une égalité des chances réelle. Il s’agit d’un pragmatisme de résultat, où l’on garantit l’équité pour donner aux talents féminins la visibilité qu’ils méritent.

2. Ces avancées ne sont-elles qu’une façade pour l’Occident?

Les mesures mises en place au Maroc, comme les quotas obligatoires dans les conseils d’administration et la « budgétisation sensible au genre », sont trop profondément ancrées dans la stratégie nationale pour être de simples opérations de relations publiques. Le lien entre l’égalité des sexes, la réduction du déficit de compétences et la transformation économique est clairement établi par des institutions internationales comme la Banque mondiale. Il s’agit d’une démarche intrinsèque au développement du pays, motivée par un impératif économique autant que par une volonté sociale.

3. Les femmes politiques marocaines accèdent-elles aux postes de premier plan?

Si les quotas ont permis une entrée massive de femmes au Parlement, l’accès aux positions de pouvoir exécutif ou aux postes de direction au sein des commissions parlementaires et des partis reste un défi. Il existe toujours un plafond de verre subtil qui empêche certaines d’accéder aux plus hautes sphères. Cependant, le paysage est en constante évolution, avec des femmes comme Nadia Touhami, Vice-Présidente de la Chambre des Représentants , qui ouvrent la voie à une présence de plus en plus significative.

4. Quel est le rôle du Code de la famille (Moudawana) dans cette évolution?

La réforme de la Moudawana en 2004 a été une étape fondamentale. Elle a posé les bases juridiques de l’égalité en reconnaissant la co-responsabilité au sein du couple et en instaurant une majorité sociale pour les femmes. Cette réforme a créé un cadre légal et social qui a rendu la participation politique des femmes non seulement possible, mais aussi légitime et cohérente avec les lois du pays.

5. Les partis politiques sont-ils pleinement engagés dans la parité?

L’engagement des partis politiques est un processus en cours, marqué par des avancées et des résistances. Le système des listes nationales a incité les partis à inclure davantage de femmes, mais le soutien pour les candidatures féminines dans les circonscriptions locales reste souvent insuffisant. L’anecdote de Badia Skalli qui a dû se battre pour que d’autres femmes figurent sur la liste de son parti en 1993 démontre que la parité est encore le fruit de batailles internes.

6. Comment le leadership féminin est-il perçu au Maroc?

Le leadership féminin est souvent perçu comme plus authentique et plus proche des citoyens. Le succès électoral de certaines candidates est attribué à leur capacité à établir une relation de « proximité sociale » et à leur « écoute » des préoccupations de la population, préférant le « discours réaliste » à la promesse vague. Cette approche pragmatique et empathique est perçue comme un atout majeur.

7. Quels sont les plus grands défis à venir?

Le principal défi est de transformer la « présence » numérique des femmes en un réel « pouvoir » d’action et d’influence. Cela passe par l’accès aux postes de direction, l’affectation à des commissions stratégiques (finance, affaires étrangères, etc.) et le renforcement des réseaux de soutien pour permettre aux femmes de construire une carrière politique durable après leur premier mandat sur la liste nationale.

8. Quel est le lien entre l’égalité politique et le développement humain?

Le lien est direct et indissociable. Selon la Banque Mondiale, l’inégalité en matière d’accès à l’emploi et aux postes de direction crée un « déficit de main-d’œuvre et de compétences » qui freine le développement d’une nation. L’inclusion des femmes est donc un moteur d’innovation, de transformation et de progrès, essentiel pour le développement économique et social du pays.

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